Publié sur le site MilEtUne d'après l'illustration consacrée à Mark Zuckerberg et la Réalité Virtuelle
La
première chose que vit Marcel en entrant dans la salle obscure c'est
qu'il n'y avait rien à voir. Plus précisément il n'y avait pas
d'écran.
Il
déchiffra une nouvelle fois son ticket d'entrée “Virtual Reality.
Salle 5”.
Ou
bien il s'était trompé de salle ou bien il s'agissait de théâtre
et on ne lui avait rien dit.
Comme
il se retournait – cherchant une ouvreuse ou quelqu'un pour le
renseigner – il vit que tous les spectateurs portaient un curieux
engin sur la tête, une sorte de casque opaque greffé sur leurs yeux
tels le calao ou le casoar.
Pourquoi
ne lui avait-on pas proposé ce machin à l'entrée?
Marcel
toucha l'épaule du spectateur le plus proche de lui; celui-ci émit
un grognement rauque à la façon d'un gorille.
Derrière
le gorille un homme tanguait dangereusement, cramponné à son
fauteuil comme un naufragé à sa pirogue. Marcel le retint de peur
qu'il ne disparaisse dans les remous du fleuve...
Les
remous du fleuve! Marcel réalisa avec horreur ce qu'il venait
d'imaginer à l'instant.
Sous
ses pieds, rien qu'une épaisse moquette et autour de lui une marée
humaine agitée d'où montait un bruissement sourd.
Comme
Marcel battait en retraite, une main se referma en étau sur son
bras.
Une
femme hystérique le secouait sans ménagement en poussant des cris
de macaque ou de babouin.
Marcel
tenta d'échapper aux ongles acérés mais la femme pourtant fluette
ne lâchait pas son bras.
“Tarzan!
Au secours!” hurla t'elle en se levant brusquement.
Marcel
ne voyait guère d'issue à ce combat sauvage. La malheureuse allait
disparaître dans la jungle, emportée par King Kong ou quelque tribu
sanguinaire!
De
sa main libre il arracha le casque.
La
jeune femme retomba dans son fauteuil, échevelée, et leva un regard
empli de reconnaissance vers Marcel :“Merci Tarzan. Vous m'avez
sauvé la vie”.
Elle
n'avait pas lâché son bras.
Marcel
Tarzan prit un sourire satisfait. ”Oh ce n'est rien” dit-il à
voix basse comme pour s'excuser d'être là “je viens déjà de
sauver un naufragé”.
La
jeune femme lui jeta un regard éperdu de reconnaissance :”Vous
allez rester près de moi, n'est-ce pas?” et elle lâcha son bras
pour remettre le masque sur sa tête.
Marcel
Tarzan recula lentement, laissant Jane à ses ennuis.
A
mesure qu'il reculait, des bribes de conversations lui parvenaient,
des soupirs d'extase, des invectives, des cris d'effroi et des râles
funestes.
Sous
ses yeux chacun de ces esclaves casqués tremblait, jurait ou crevait
dans l'indifférence générale et sans que personne ne vint à leur
secours... à part lui.
Avant
d'atteindre la porte de sortie il dut enjamber quelques corps secoués
de spasmes et – ayant repoussé un ultime excité pendu à son cou
qui beuglait “T'as d'beaux yeux, tu sais” – il sortit
précipitamment.
Au
guichet il demanda à être remboursé de la place qu'il n'avait ni
virtuellement ni réellement occupée mais le préposé l'ayant
virtuellement envoyé sur les roses il l'assomma d'un coup de poing
bien réel.
Sur
le parking du multiplex, des paradisiers chantaient en faisant la
roue sur un lampadaire, un rayon de soleil jouait à cache-cache avec
une canopée de pollution industrielle.
Marcel
Tarzan rajusta son pagne et inspirant à pleins poumons l'air vicié
du parking il chassa les oiseaux d'un O
i o i o iooooo
asthmatique puis se dirigea vers sa Panda géante noire et blanche
qui ronronnait d'impatience.
Il
n'était pas près de retourner voir un film de ce Marc
Montagne de Sucre!
Pas
étonnant qu'avec un nom pareil , les gens deviennent fous...
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