Publié aux Impromptus Littéraires
Je
n'y peux rien, j'ai toujours fait comme ça, je dors en chien de
fusil; je n'ai pourtant rien d'un chasseur et j'ai les armes en
horreur.
Aussi
quand – dès potron-minet – la caravane en 4x4 des prédateurs du
canton est passée une première fois sous mes fenêtres, j'ai fait
un bond hors du lit.
D'habitude
– et comme dans le proverbe – quand leur caravane passe le chat
miaule mais pas cette fois-ci.
Je
dois dire que mon chat a du chien et je n'ai qu'une crainte c'est
qu'il rejoigne un jour leur meute pour je ne sais quelle envie
d'aller jouer à chien perché dans les bois.
Je
tiens beaucoup à mon petit compagnon que j'ai eu un mal de chien à
trouver en ligne.
Enfin...
c'est l'animalerie qui était en ligne alors que le chat, lui –
croisé gouttière et caniveau – était en rond quand je l'ai
aperçu, en rond en ronron et en petit patapon et ça a suffi à me
faire craquer.
C'est
vrai qu'il a du chien ce chat, d'ailleurs il jappe, des glapissements
brefs en rafales pour saluer les randonneurs ou encore le facteur, si
bien que j'ai été obligé d'inscrire sur le portail “Attention.
Chat hyperactif”.
On
dit qu'il faut appeler un chat un chat mais c'est impossible car
c'est plus souvent lui qui m'appelle et pas le contraire.
Malgré
ça – nom d'un chien – je l'ai appelé Rantanplan, n'en déplaise
à l'animalerie qui, sous prétexte que c'était la grande mode des
triple A voulait lui établir un passeport européen au nom
d'Adonis-Agamemnon-Apollon.
Le
passeport européen, le tatouage et les vaccins, c'est déjà pas
donné alors quand ils m'ont proposé de lui rajouter une puce j'ai
refusé et puis il en avait déjà un échantillon sur lui.
La
caravane est encore loin mais j'entends les trompettes des chasseurs
et les aboiements des chiens mais pas ceux de Rantanplan.
Alors
je fouille sa panière ou plutôt (j'ai failli écrire Pluto) sa
niche dans l'espoir d'y trouver une explication. Il y a un bordel
là-dedans! C'est pourtant pas faute de lui répéter “Range ta
panière”.
J'y
trouve une tête de musaraigne, trois queues de lézard et un ourlet
de pantalon de facteur mais pas un mot d'explication, pas une lettre
d'adieu, sauf que...
… je
tombe sur un os, celui que je lui avais donné à ronger la veille et
qu'il n'a même pas touché.
C'est
vrai qu'il n'est pas très os, mais moi encore moins alors je les
dépose devant sa niche, juste entre les deux caniches de faïence
qui décorent l'entrée.
Il
y a des gens qui donnent leur langue au chat, moi je lui donne des
os, c'est mon droit.
J'ai
d'autres chats à fouetter que lui donner de la langue, au prix où
ça coûte!
Et
puis est-ce qu'on sait d'où vient cette langue? Et si c'était de la
langue de chat? Il aurait un morceau de chat dans la gorge? Non,
merci!
J'entends
la proche qui ameute... à moins que ça ne soit la meute qui
approche. Déjà?
C'est
égal, je n'entends toujours pas Rantanplan.
Où
est passé ce corniaud?
Je
m'égosille: “Rantanplan!”
D'habitude
il ne répond pas et c'est exactement ce qu'il fait en ce moment.
La
meute passe comme une tornade devant la maison – troupeau braillard
aux oreilles tombantes, vulgaire et anarchique, des Joe Cocker tubar
et des espagnols bretons – suivie des prédateurs armés jusqu'aux
dents.
L'un
d'eux s'arrête pour m'interpeller:”Z'auriez pas aperchu une
echpèche de chat chauvage, M'sieur?”
C'est
marrant cette façon qu'ils ont de chuinter quand ils sont armés
jusqu'aux dents.
Celui-là
a une moustache couleur Beaujolais nouveau et deux yeux façon
meurtrières; il me fait penser à un fameux Tartarin de Tarascon
mais sans le Taras si vous voyez ce que je veux dire...
Le
M'sieur – c'est à dire moi – le dévisage, blémit à la pensée
que son Rantanplan est en grand danger et s'entend lui
répondre:”Z'auriez intérêt à aller voir par là”.
Je
pointe un doigt tremblant en direction de la route de Changé où se
trouve le refuge de la SPA.
Il
a l'air satisfait, vaniteux mais satisfait et rejoint la meute au pas
de course.
Dans
mes jambes, une petite chose vient se frotter discrètement avec des
glapissements brefs en rafales...
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