Publié aux Défis Du Samedi sur le thème: Evasion
Le
sable est partout, un sable fin, pernicieux, insupportable supplice
sur ma serviette de plage et dans mon intimité... entre mes orteils.
J'ai toujours eu horreur du sable entre les orteils et des dangers
que ça représente: irritations, mycoses, voire Pityriasis
versicolor.
Je
sais, le Pityriasis versicolor ça prête à sourire la première
fois mais je ne vous souhaite pas de l'attraper!
Et
les mômes qui quémandent qui sa pelle, qui sa bouée canard, qui
une glace banane-malabar-tiramisu, qui... combien en a-t-on amené
déjà?
Kevin,
Maxence, Charlène, Priscilla... où est passée Priscilla?
Sur
une bonne moitié de ma serviette Germaine – ma moitié – en est
à sa troisième fausse couche après deux vraies couches d'huile
ultra bronzante aux actifs anti-âge appliquées sur sa peau d'un
superbe rouge tomate.
Trois
jours qu'on est là et il est grand temps que j'échappe à cet
enfer.
Alors
sans réfléchir aux conséquences j'extirpe du sac de plage le
premier bouquin venu: ça s'appelle Cinquante nuances de Grey –
Tome IV.
Comme
j'ignorais qu'il y a déjà eu trois tomes, j'ai l'impression de
m'installer dans un fauteuil de cinéma en plein milieu de la séance.
Je
m'attendais à des préliminaires, à une introduction mais pas comme
ça. Je lis :”Je vais te faire jouir comme un train de
marchandises, bébé”.
C'est
pas facile de s'imaginer un train de marchandises en train de
jouir... d'ailleurs l'expression “en train de jouir” est plutôt
amusante pour un train.
Par
contre “comme un train de marchandises bébé” ça ne veut rien
dire; l'auteur a dû vouloir écrire “comme un train de
marchandises BB” comme la fameuse BB9004, une locomotive à deux
bogies de deux essieux moteurs... sacré matos!
Record
de vitesse en 1955 à 330km/heure... c'est vrai que c'est jouissif
quand j'y repense, j'avais 8 ans à l'époque, l'âge où on commence
à aimer les trains.
J'ai
toujours aimé les trains comme j'ai toujours eu horreur du sable
entre les orteil; cette histoire commence à me plaire alors sans
crier gare – encore une expression marrante – j'enchaîne les
pages à un train d'enfer – décidément, encore une expression
marrante – Germaine, le sable, mes orteils et même les gosses ont
disparu :”Elle a un très, très beau cul. Et je vais le rendre
rose comme du champagne."
Quand
on pense au prix d'une huile ultra bronzante aux actifs anti-âge,
alors qu'il suffirait d'être un jeune PDG séduisant pour rendre un
cul rose...
Je
ne sais pas comment j'ai fait mon compte mais j'ai dû sauter un
chapitre, je lis :"Ses brusques inspirations sont une musique
pour mon pénis."
Anastasia
alias Germaine est penchée sur moi, dégoulinante d'huile solaire et
me crie des choses que j'ai du mal à entendre :”Ca va pas? T'es
tout pâle. Va pas dégueuler sur ma serviette”.
Germaine
a l'art de s'approprier les choses, les serviettes de plage comme le
reste.
J'ai
mal dans le bas-ventre mais c'est pas le pénis, plutôt ces merguez
de Mammouth (l'hypermarché, pas l'animal) qui ont refusé de cuire
ce midi au barbecue.
Je
me sens défaillir et je m'accroche à Anastasia alias Germaine, à
son corps huileux, j'ai comme un flash, la vision sado-maso d'une
tomate insaisissable...
Combien
de temps ai-je couru jusqu'aux toilettes dans cet enfer brûlant qui
m'échauffe les oreilles et les orteils?
Je
voudrais tant être loin d'ici. A Seattle par exemple, au 1920 Fourth
Avenue, au 31ème étage d'un immeuble de luxe, sans sable ni risque
de mycose.
L'endroit
est frais, tout noir mais frais avec une odeur comme il en existe
dans les toilettes de plage; pourtant je me souviens il y a un
instant encore :"Elle portait un parfum très frais qui me
rappelait le verger de pommiers de mon grand-père."
Ici
ça sent pas la pomme ou alors le très vieux trognon de pomme.
J'aurais
dû apporter mon bouquin.
Au
bout d'un long moment je me sens apaisé, léger jusqu'à cet autre
moment où je tente de rouvrir la porte.
N'importe
qui viendrait à bout du mécanisme, même un jeune PDG séduisant
mais pas moi.
Faut
dire que l'huile ultra bronzante que j'ai sur les mains n'arrange
rien, bien au contraire.
Je
tambourine comme un malade pour qu'on vienne me délivrer et je me
souviens encore des paroles de Christian Grey: “Accroche-toi bébé,
ça risque de secouer”.
Pourquoi
l'appelle-t-il bébé?
Quand
on veut s'évader, croyez-moi il vaut mieux lire MacGyver.
Au
secours !!
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