Publié sur le site MilEtUne d'après la citation de Saint-Exupéry
“Dis
Bébert, tu f'ras quoi quand tu s'ras grand?”
Bébert
me regarde avec ce regard bovin qui caractérise les beusenots, comme
si j'arrivais de Mars avec une énigme pour cul-terreux (chez nous on
dit pas terrien mais cul-terreux).
Après
un certain temps, il me répond: “Quand j'serai grand, j'voudrais
être petit”
J'ai
failli prendre le même regard bovin mais j'ai toujours préféré
celui du père Fouras dans Fort Boyard quand il balance la clé à la
flotte devant un bougre de candidat qui sait pas que “Ce
légume cultivé, n'est dans le sang pas apprécié”... c'est un
navet !
Alors
je prends ce regard-là pour lui répondre: “Mais t'es encore
petit”.
Bébert
accuse le coup mais il est buté, du genre gros beu – on dit beu
chez nous et pas boeuf – ce qui va très bien avec son regard.
Sa
réponse me surprend :”J'voudrais être encore plus petit”.
“Plus
p'tit que t'es maint'nant? Vindiou! C'est guère possible”
“Non...
juste plus p'tit que les grands”
“Mais
on finit tous par être grands, mon vieux”
Bébert
se brusque :”M'appelle pas mon vieux, s'te plait”
Il
rumine un instant un morceau de Malabar qu'il a gardé de la veille
au fond d'une poche et dit gravement: “Les grands ça grandit avec
des problèmes... et les problèmes, j'en veux pas”
J'ai
pas grand chose à redire à ça alors j'ajoute sans trop y croire
:”Les grands ça a aussi des souvenirs de quand y z'étaient p'tits
pour les aider à vivre”
“J'ai
pas envie d'avoir des souvenirs” lâche Bébert en même temps que
son morceau de Malabar.
“Pourtant,
ton morceau de Malabar c'est qu'un souvenir de Malabar et tu viens
d'le mâchouiller”
“C'est
pas faux”
“Et
t'as trouvé ça bon, hein Bébert?”
“Euh...
Ouais, enfin ça manquait un peu d'goût”
Je
lui souris :”Et ben mon vieux, les souvenirs c'est pareil qu'un
morceau de vieux Malabar qu'a moins d'goût mais tu les rumines quand
même”
Bébert
accuse le coup mais il est buté, du genre gros beu mais ça je l'ai
déjà dit.
“Tu
m'jures que les souvenirs c'est pas plus dégueu que mes morceaux de
vieux Malabar?”
Je
prends un ton solennel :”J'te l'jure, Bébert”
Il
a pas l'air d'y croire tout à fait :”Tu l'jures sur quoi?”
Pour
jurer, j'ai l'choix parmi les têtes de tous ceux qu'j'aime pas
:”J'te l'jure sur la tête du père Martenot”
“Le
père Martenot? Mais ça fait un bail qu'il est mort!”
On
peut oublier, tout peut s'oublier, qui s'enfuit déjà disait j'sais
plus qui :”Bon ben disons sa veuve alors?”
“La
mère Martenot? Y'a longtemps qu'elle a plus sa tête, alors comment
tu peux jurer dessus?”
Ce
beusenot commence à me gonfler :”Dans la famille Martenot, je
choisis la fille et me fait pas chier, Bébert!”
Bébert
devient tout rouge et m'attrape par le colback... il a vraiment l'air
d'un gros beu :”Tu peux pas faire ça. J'ai des... souvenirs avec
la fille Martenot”
“Oh
ça va... je retire ça, Bébert. Tu peux m'lâcher”
Le
beusenot me lâche. Faut vraiment qu'je fasse gaffe avec lui.
Et
dire qu'il va grandir!
Qu'est-ce
que j'ai été beusenot moi aussi d'lui demander ce q'il ferait quand
y s'rait grand. Il est temps de conclure :”Tu vois Bébert, les
souvenirs c'est précieux et plus tu grandis plus t'en
collectionnes”.
Le
regard bovin s'illumine :”Et alors?”“Alors... rien, Bébert”
Superbe parabole !
RépondreSupprimerLOIC
Je l'ai trouvée par hasard en ruminant...
SupprimerLe jour où tu auras compris ça, tu seras un (chewing)homme, mon fils ! disait...j'sais plus qui... ;-)
RépondreSupprimerC'est à force de mastiquer (en un seul mot) que j'ai compris ça :)
SupprimerOskar Matzerath dans la guerre des boutons, une fable savoureuse
SupprimerBien vu La Licorne, j'vous connais pas mais j'aime beaucoup votre commentaire.
SupprimerVegas, je kiffe cette scénette aux accents de ché pas où. J'ai vu les 2 protagonistes, oui vu...bravo...
RépondreSupprimerMerci Lyse
Supprimersigné: un beusenot