dimanche 25 mars 2018

Ephémère

Publié sur MilEtUne d'après l'illustration




C'était juste avant que je sois gazé aux lacrymos au pied de la barricade du Boul'Mich.
Elle était là à barbouiller le mur d'un slogan percutant du genre "A bas le sommaire, vive l'effet mère".
Dans le bruit des déflagrations je lui ai gueulé que ça s'écrivait E-phé-mè-re... comme l'insecte du même nom qui nique en vol avant de clamser quelques heures plus tard, et ça l'a faite marrer.
Elle était canon en se marrant. Moi, sur le même mur j'étais en train de taguer un truc moins cérébral "L'alcool tue. Prenez du LSD"
Elle m'a demandé ce que c'était du élèsedé mais je pleurais déjà.

C'était ma première fois, les potes avaient dit en rigolant que là où y'a du lacrymogène, y'a pas d'plaisir !
C'était vrai.
Elle m'entraîne loin de la ligne de front, là où y'a moins de plage et plus de pavés et on s'engouffre dans une pharmacie avant que le rideau de fer ne tombe derrière nous. Elle cherche un truc – j'apprendrai qu'elle est élève infirmière – et finit par m'inonder de sérum physiologique.
Pas habitué à héberger des insoumis le pharmacien fait la gueule, même s'il a encore la manivelle du rideau à la main j'emmerde le pharmacien. Si j'avais de la peinture j'écrirais ça sur son mur.
Parait qu'il faut aussi se rincer la bouche, alors en guise de cocktail on se refile tour à tour une boutanche de purple drank, un sirop pour la toux.

Dehors aussi les cocktails explosent en bouche – en bouche de métro – et les matraques pleuvent sur tout ce qui bouge jusqu'à ce que ça ne bouge plus.
Trêve de présentations, la boutanche passe de ma bouche à la bouche de Germaine et faut croire que ça créée des liens : dans l'arrière boutique il y a un lit de camp; d'habitude je garde mes clarks même pour dormir mais cette fois je les quitte pendant que Germaine quitte tout le reste c'est à dire peu de choses puisqu'on est en mai, le mois où on fait ce qu'y nous plait.
C'est fou ce qu'une nana peut aller vite quand elle est libérée et déterminée.
Celui qui a tagué "Faites l'amour et recommencez" serait content de savoir qu'on est au moins deux à l'avoir lu !
J'ai l'air d'un con avec mes préservatifs, y en a qui en feraient des caisses et Germaine en fait un ballon avant de jouir bruyamment et sans préavis; on a oublié les préliminaires à la grande déception du pharmacien qui nous lorgnait depuis son comptoir.
Pas de doute, la chienlit c'est nous... ça se voit dans nos yeux et nos fringues éparpillées.
On remet ça – l'amour, pas nos fringues – et le pharmacien en perd sa manivelle.

Le lendemain on s'était promis Germaine et moi d'aller taguer "Je jouis dans les pavés" là où on avait mélangé nos slogans mais quelqu'un avait déjà fait le ménage sur le Boul'Mich et dans tout le quartier latin.
On était le 11 mai et le mouvement ouvrier se joignait à la contestation et appelait à la grève générale.
Au bout d'un mois notre belle odyssée tournait au vinaigre, ça sentait le syndicaliste et le manque de tout.


2 commentaires:

  1. La vie n'est qu'un immense tourbillon quand on connaît Germaine !

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  2. lol quel hommage à l'anniversaire de la Genèse de mai 68

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