Publié sur MilEtUne d'après l'illustration
C'était
juste avant que je sois gazé aux lacrymos au pied de la barricade du
Boul'Mich.
Elle
était là à barbouiller le mur d'un slogan percutant du genre "A
bas le sommaire, vive l'effet mère".
Dans
le bruit des déflagrations je lui ai gueulé que ça s'écrivait
E-phé-mè-re... comme l'insecte du même nom qui nique en vol avant
de clamser quelques heures plus tard, et ça l'a faite marrer.
Elle
était canon en se marrant. Moi, sur le même mur j'étais en train
de taguer un truc moins cérébral "L'alcool tue. Prenez du LSD"
Elle
m'a demandé ce que c'était du élèsedé mais je pleurais déjà.
C'était
ma première fois, les potes avaient dit en rigolant que là où y'a
du lacrymogène, y'a pas d'plaisir !
C'était
vrai.
Elle
m'entraîne loin de la ligne de front, là où y'a moins de plage et
plus de pavés et on s'engouffre dans une pharmacie avant que le
rideau de fer ne tombe derrière nous. Elle cherche un truc –
j'apprendrai qu'elle est élève infirmière – et finit par
m'inonder de sérum physiologique.
Pas
habitué à héberger des insoumis le pharmacien fait la gueule, même
s'il a encore la manivelle du rideau à la main j'emmerde le
pharmacien. Si j'avais de la peinture j'écrirais ça sur son mur.
Parait
qu'il faut aussi se rincer la bouche, alors en guise de cocktail on
se refile tour à tour une boutanche de purple drank, un sirop pour
la toux.
Dehors
aussi les cocktails explosent en bouche – en bouche de métro –
et les matraques pleuvent sur tout ce qui bouge jusqu'à ce que ça
ne bouge plus.
Trêve
de présentations, la boutanche passe de ma bouche à la bouche de
Germaine et faut croire que ça créée des liens : dans l'arrière
boutique il y a un lit de camp; d'habitude je garde mes clarks même
pour dormir mais cette fois je les quitte pendant que Germaine quitte
tout le reste c'est à dire peu de choses puisqu'on est en mai, le
mois où on fait ce qu'y nous plait.
C'est
fou ce qu'une nana peut aller vite quand elle est libérée et
déterminée.
Celui
qui a tagué "Faites l'amour et recommencez" serait content
de savoir qu'on est au moins deux à l'avoir lu !
J'ai
l'air d'un con avec mes préservatifs, y en a qui en feraient des
caisses et Germaine en fait un ballon avant de jouir bruyamment et
sans préavis; on a oublié les préliminaires à la grande déception
du pharmacien qui nous lorgnait depuis son comptoir.
Pas
de doute, la chienlit c'est nous... ça se voit dans nos yeux et nos
fringues éparpillées.
On
remet ça – l'amour, pas nos fringues – et le pharmacien en perd
sa manivelle.
Le
lendemain on s'était promis Germaine et moi d'aller taguer "Je
jouis dans les pavés" là où on avait mélangé nos slogans
mais quelqu'un avait déjà fait le ménage sur le Boul'Mich et dans
tout le quartier latin.
On
était le 11 mai et le mouvement ouvrier se joignait à la
contestation et appelait à la grève générale.
Au
bout d'un mois notre belle odyssée tournait au vinaigre, ça sentait
le syndicaliste et le manque de tout.
La vie n'est qu'un immense tourbillon quand on connaît Germaine !
RépondreSupprimerlol quel hommage à l'anniversaire de la Genèse de mai 68
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