Publié sur le site MilEtUne d'après l'illustration
S'il
en est qui changent souvent de secrétaire – à l'instar du
businessman de Starmania – pour moi c'était le premier et je ne
voulais pas me tromper.
On
confie suffisamment de secrets à celui-ci pour ne pas vouloir les
partager avec le premier venu.
Les
yeux brillants de passion, le vendeur passa une main experte sur l'un
des nombreux tiroirs de l'objet en question.
Il
avait pourtant dû en caresser des essences de bois dans sa carrière
mais il y prenait un plaisir non feint...
Derrière
la petite façade de bois exotique je crus percevoir des cris aigus
et courts comme ceux que pousse la tortue
Eretmochelys
imbricata
qu'on appelle
communément caret et que j'imaginais plutôt dans les eaux chaudes
d'un lagon que dans les sombres officines d'antiquaires.
Il
me sembla même que les écailles prisonnières du bois s'animaient
sous la caresse du boutiquier.
Il
ouvrit ensuite un second tiroir, laissant échapper d'autres bruits
incongrus, mélange de barrissements d'éléphant et de cris de morse
et de rhinocéros ; il le referma en soupirant et dit pour
tenter de me rassurer : »Vous verrez, vous vous habituerez avec
le temps»
Le
tiroir suivant incrusté d'ivoire fossile s'ouvrit tel une gueule de
mammouth
avec un fort accent sibérien et si je ne comprenais pas les mots,
j'en devinais le message.
Plus
discret, le tiroir suivant s'offrit silencieusement mais l'odeur du
corozo, de l’ivoire végétal arraché au palmier à ivoire
Phytelephas qui pousse dans les forêts amazoniennes ne
m'échappa pas. Le vendeur résigné se pinça le nez en refermant la
case odorante.
Puis
ce fut le tour d'un tiroir criard et exubérant, orné d'os du casque
corné d'un pauvre cacatoès indonésien que le vendeur eut toutes
les peines du monde à refermer. Il transpirait abondamment – le
vendeur, pas le cacatoès – voyant s'éloigner ses chances de se
débarrasser de son exotique et non moins récalcitrant secrétaire.
Si
les deux tiroirs suivants – plus banals que banaux – étaient
ornés d'os de bœuf et de mouton, les derniers plus sauvages à
l'ouverture sentaient le cervidé, la corne de cerf ou de chevreuil.
L'antiquaire
les referma d'une pichenette dédaigneuse pour s'intéresser à ce
qu'il me présenta comme la perle des tiroirs, un décor de nacre
issu d'huîtres perlières alternant avec le troca, escargot de mer
polynésien économiquement plus avantageux.
Si
l'antiquaire enlacé au secrétaire jouissait en silence, je n'osais
lever les yeux sur le dernier tiroir, un joyau incrusté de corail
extorqué clandestinement aux mers chaudes de Chine, d'Indonésie ou
de Méditerranée selon la bonne fortune de son prédateur.
Je
me reculai pour apprécier ce qui allait devenir mon secrétaire pour
la vie et je réalisai que c'était lui qui m'observait. Il s'en
dégageait une respiration, un halètement, un concert de plaintes
muselées aux accents à la fois bovin, caprin, ovin, marin,
sous-marin et antédiluvien qui me donna la nausée.
Je
ne sais pas ce qui m'a pris de demander : »Savez-vous s'il y a
un IKEA dans le coin ? »
Tout est dans l'usage cher ami...végan !
RépondreSupprimerVegas vegan… amusant
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