Elle
était déjà penchée depuis une bonne heure sur la baignoire à essayer
d'enlever d'affreuses taches de moisissures d'un joint qui avait jadis
été blanc quand elle poussa un cri sauvage comme elle
sait en pousser quand on lui résiste!
J'aurais
pu continuer à l'admirer comme ça
longtemps en train de s'affairer, la croupe frétillante et les reins
cambrés avec ce si joli désordre dans son 'chignon de ménage' et ses
bras nus qui... s'il n'y avait eu ce cri sauvage:
“J'en ai marre! Tu vas me virer tout ça, mon castor!!”
Quand
elle m'appelle son Castor, je ne pense
pas à ce charmant rongeur-ingénieur au poil rude et à queue plate
mais plutôt à une maxi surface de bricolage où y parait qu'y a
tout-ce-qu'y-faut-comme-dans-une-maxi-surface.
Passé
le rituel qui consiste à bomber le
torse en remontant ses manches d'un air suffisant – ce que j'ai
appris à faire depuis notre mariage et quand j'ai des manches – je filai
dare-dare chercher le matos dans ma caisse à outils c'est à
dire chez Mimile puisqu'elle est plus utile chez lui que chez nous.
Comme Mimile s'était absenté pour cause
d'absence, sa femme me dépanna d'un cutter et d'un tube de dentifrice que les pros appellent 'mastic aussi licorne'.
Encouragé
par le sourire bienveillant de ma
chérie – alanguie dans le canapé en compagnie d'un Closer – je
m'attaquai au joint ou plutôt à une espèce de chewing-gum gluant et
nauséabond comme en ont tous ceux qui ont la chance d'héberger
une baignoire chez eux!
Quiconque
a déjà pêché l'anguille comprendra
la lutte qui s'ensuivit et bien que le cutter fut coupant – très
coupant – le joint n'était pas complètement mort et bien décidé à
défendre chèrement sa peau.
Dans
la bagarre quelques morceaux de lame
cassèrent sans entamer mon moral, juste quelques bouts de doigt vite
pansés par ma chérie reconvertie en secouriste premier niveau.
Centimètre
par centimètre et sparadrap par
sparadrap je gagnais du terrain, jetant un cri de victoire avec
chaque lambeau de caoutchouc synthétique au fond de la baignoire rougie
de mon sang.
Il en faut bien plus pour vaincre
Castor.
Au train où j'allais, ma secouriste pouvait
espérer prendre un bain dans vingt quatre heures pour respecter le temps de séchage du futur joint de 'mastic aussi licorne'.
J'allais venir à bout des dix derniers
centimètres de sparadrap joint sous le regard admirateur de mon assistante quand le cutter nous lâcha dans un terrible “Cling” qui m'envoya au
tapis... de bain!
Dans ces rares moments-là j'ai en réserve
une belle collection d'onomatopées qu'il serait ennuyeux d'exposer ici, aussi me contenterai-je d'un “@#&&§ “.
A cet instant j'ai compris qu'il était temps
de sortir le grand jeu et mon petit Opinel...
Ici on
me traite bien, l'infirmière est une vraie professionnelle et répond à presque tous mes désirs.
Il
parait que demain, si mes hématomes se
résorbent et que mes coupures cicatrisent j'aurai le droit de
prendre une douche avec une Charlotte, non pas l'infirmière, juste un
bonnet jetable à élastique.
Ma
chambre particulière – je dis ma chambre
car j'exige celle-ci à chaque fois - est très cosy avec une nouvelle
douche à l'italienne et un carrelage en grès; ils ont probablement mis
du joint de chez Burson... il faudra que j'en discute
demain avec l'infirmière.
Mon
Castor est devenu Mon Chouchou
d'Amour... j'ai l'habitude, c'est comme ça qu'elle m'appelle quand
elle vient me voir et m'apporter mes revues préférées, mes Bricolage Magazine.
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