Vingt quatre heurts du Mans
“Chéri j'ai
cartonné!”
Elle avait claironné ça avec son sourire
ravageur, celui qu'elle arborait le jour où elle avait enfin réussi l'examen du code.
J'ai foncé comme un fou vers le garage mais
la porte était fermée, tout comme le portail de la maison.
Comme je tournais en rond en zieutant
alentour, elle a commencé à jouer à “Tu chauffes, tu brûles” mais j'avais pas la tête à ça!
Aucune trace de mon bijou seize soupapes,
jantes alu et becquet arrière façon Le Mans.
Elle avait dû me la garer par erreur chez un
voisin comme d'habitude. Suffit qu'elle repère une porte peinte en vert pour se croire chez nous.
J'allais faire le tour du quartier quand
elle a dit: “Cherche plus, chéri! T'es devant!”
Devant, y avait rien à part un grand carton
verdâtre. Pourtant c'était pas jour des encombrants.
“Alors t'en dis
quoi?”
“J'en dis quoi de
quoi?”
Quand
à l'époque j'ai épousé Pauline –
Ouais, Pauline Carton c'est facile - j'ai aussi épousé la reine des
devinettes, des calembours et des vannes à deux balles...
“Je t'ai dit que j'avais
cartonné”
Pour moi, cartonner ça veut dire rendez-vous
chez le carrossier pas avant deux mois et un grand trou dans le budget vacances!
Je m'assieds sur le trottoir car ça va être
long comme toujours.
Elle
est allée au marché des Jacobins où
elle a rencontré la mère Dubois – fervente écologiste – qui battait
le pavé avec ses copains et qui lui a proposé le deal du siècle.
Le deal c'est ce machin en carton vert avec
deux yeux jaunes qui me narguent... je sens que je vais gerber.
“Tu te rends compte chéri? La carte
grise est déjà imprimée dessus. Et puis finie la tôle froissée, que du papier mâché une fois pour toutes”
Je rêve.
“Et puis on pourra changer la couleur
quand on refera la chambre des gamins”
Pauline me tire par la manche jusqu'à notre
nouvelle acquisition. J'entends un autoradio qui joue un truc de Christophe – le saint patron des voyageurs- et ça fait: ”Moi, j'ai construit des camionnettes, avec de la ficelle et du
papier...”
Non pas ça! J'arrache la portière, me jette
sur un siège moelleux comme mon oreiller... autour de moi, la chambre douillette et rassurante. J'ai fait un mauvais rêve.
Dans la cuisine Pauline s'affaire au petit
déjeuner.
“Chéri, je prends ta voiture ce matin!”
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