Publié sur le site MilEtUne d'après l'illustration
Quand
sonnait quatre heures à la pendule du salon, Oncle Hubert déclarait
qu'il se retirait dans sa chambre, non sans avoir accroché le piège
à guêpes au gros peuplier de la cour, car à cette saison les
traîtresses attirées par notre goûter nous auraient embrochés
sans pitié.
Son
rituel accompli, l'oncle laissait là sa chaise vide - que personne
ne se serait permis d'emprunter - tandis que mes cousins et moi
prenions place sur les bancs.
“Le
goûter, c'est bon pour les filles” clamait-il en éructant
bruyamment tandis que tante Anastazia secondée par Adèle débarquait
de la cuisine, les bras chargés de pâtisseries.
Un
éternel sourire au coin de la bouche, notre tante polonaise ne
répondait pas, convaincue que seule la jalousie dictait son propos.
Notre
oncle était bien trop rustre - disait-elle - pour apprécier le
raffinement d'un gâteau de riz au fromage frais ou d'un pain
d'épices polonais, son fameux piernik qu'elle laissait “mûrir”
six semaines au frigo!
Lui
ne jurait que par les plaisirs incomparables de notre Bourgogne dont
le seul et unique pain d'épices de Dijon, le fameux Mulot&Petitjean
et puis les pets-de-nonne à la fleur d'acacia et les beignets de
gaudes.
De
son côté elle faisait - parait-il - le meilleur Sekacz de Poznan
d'où elle était originaire, un sublime gâteau au citron cuit à la
broche.
“Rien
qu'à dire Sekacz” disait Oncle Hubert “on attrape la pépie à
en boire la mer et les poissons!”
Dans
ces conditions, on les imaginait mal partager un goûter sans se
disputer et de toute évidence, les deux fillettes vides de Zubrovka
- la wodka à l'herbe de bison - abandonnées derrière nous en
disaient long sur l'état de fatigue de nononque!
Alors
commençait pour nous le moment le plus festif de la journée, une
orgie de sucreries et de thé noir au citron joyeusement perturbée
par les jappements de Gonzo le gros chien jaune et ces batailles de
gratte-culs qui faisaient pleurnicher les cousines!
Trop
occupée à jacasser avec Adèle, tante Anastazia ne s'interposait
pas dans ces empoignades dont les échos ne troublèrent jamais les
ronflements d'Oncle Hubert, si bien que le carillon de cinq heures
nous surprit souvent maculés, poisseux et bons pour la douche du
soir...
Que
le goûter soit une occupation de filles ou pas, j'attendais chaque
jour ce moment de voluptueuse jouissance sans souci du
qu'en-dira-t-on.
Comme disait mon ami Antoine, un Libanais époux d'une Polonaise, le plus dur, c'est pas de s'empiffrer de Makowiec, c'est de devoir broyer les graines de pavot !
RépondreSupprimerMais il ne m'a jamais dit avec quoi il le faisait passer...
Quel que soit son pays, l'homme a toujours eu beaucoup d'imagination pour inventer les breuvages adéquats !!
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