Publié sur le site des Défis Du Samedi pour le 400ème Défi
Un
bruit plus fort que les autres sortit Iggi de son interminable nuit.
On
lui avait bien dit que le voyage serait long et éprouvant.
Depuis
combien de temps était-il balloté dans cette caisse longue et
étroite où il était parvenu à élargir de son couteau les maigres
fentes qui lui assuraient un souffle de vie ?
Ils
n'avaient pas compris grand chose aux explications du passeur, juste
quelques mots auxquels accrocher leurs espoirs... boîte...
frontières... cimetière... liberté... LIBERTE mais c'est le
hochement de tête de sa compagne Aatifa qui l'avait définitivement
convaincu.
Résigné,
Iggi avait caressé encore une fois le ventre dilaté où poussait
leur bébé avant de s'enfuir très vite.
Il
trouverait un travail et quand il aurait assez d'argent il les ferait
venir, Aatifa et le bébé.
Il
doit faire grand jour à en croire la myriade de petits points qui
dansent la sarabande dans les rais de lumière; ça doit être ça la
vraie liberté... de la poussière de vie en suspension dans cet air
qu'il aspire goulûment, le nez collé aux planches moisies.
Combien
d'érythréens comme lui ont fait le choix de se laisser enfermer
pour mieux s'évader ?
Car
un érythréen, ça s'évade... ça ne migre pas... il faut être né
syrien pour ça.
La
caisse tangue, semble descendre sans fin, ballotée dans des bras
trop pressés.
On
chuchote, on ahane, on gémit même... il lui semble entendre un
sanglot.
Pourquoi
quelqu'un sangloterait-il alors qu'on va ouvrir sa caisse, l'extirper
de sa prison pour lui montrer le chemin, la voie grande ouverte vers
un monde meilleur ?
Il
fait sombre à nouveau... sans doute un nuage espiègle qui joue avec
le soleil.
Machinalement,
Iggi se protège la tête; comme une pluie sourde s'est abattue sur
le couvercle de sa boîte... on dirait... une pelletée de terre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire