Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème de l'uchronie:
L’auteur d’une uchronie prend comme point de départ une situation
historique existante et en modifie l’issue pour ensuite imaginer les
différentes conséquences possibles.
En
ce 2 juin 1896 dans le train qui le ramenait d'Angleterre vers son
Italie natale, le jeune Guglielmo se sentait bien triste et
incompris.
Si
le gouvernement italien n'avait vu aucun intérêt à son invention,
il attendait beaucoup des rosbifs mais ceux-ci lui avaient ri au nez
après son expérience avortée... et un angliche qui vous rit au nez
ça vaut bien une paire de calottes du père Marconi !
D'ailleurs,
du haut de ses vingt deux ans il allait encore prendre une paire de
calottes.
Comment
un italien émigré avait-il osé aller défier les scientifiques
britanniques?
Il
entendait déjà la voix de son maître et eut un sourire
amer ; les frères Pathé venaient d'avoir plus de chance que
lui avec leur gramophone – mélange d'essoreuse à salade et de
cornet géant – Nom d'un chien !
Sans
compter Tesla et Edison, ces deux monstres qui se disputaient la
vedette à coups d'inventions, défendant qui le courant continu qui
le courant alternatif au point d'accoucher de cette monstrueuse
chaise électrique... que n'imaginait-on pas au nom du progrès et de
la science!
Comble
de honte, un de ses compatriotes un certain Italo Marchiony venait de
mettre au point l'affaire du siècle, le cône de crème glacée,
alors qui se soucierait d'un gamin qui tape du morse au bout d'un fil
en priant Dieu qu'on le recoive à l'autre bout ?
Après
les « Buono a nulla» (Bon à rien) du vieux Giuseppe
viendraient les « Oublie toutes ces bêtises » puis on
lui dirait de trouver un vrai boulot, de fonder une famille et tutti
quanti.
Il
serait carabinier ou conducteur de tramway, épouserait une
bolognaise bien nourrie aux spaghetti, lui ferait quelques marmots et
la famille serait contente.
Et
dire qu'un an plus tôt dans les Alpes suisses il avait réussi à
transmettre sur un kilomètre et demi quelques ti-ti-ti-ta-ta-ta
entre deux antennes grâce aux ondes de Monsieur Hertz, au cohéreur
de Monsieur Branly et aux antennes de Monsieur Popov.
Le
vieux Giuseppe s'était marré : « Branly et Popov !
On se croirait à la commedia dell'arte!»
Guglielmo
est abattu, lui qui s'imaginait riche et célèbre roulant à bord
d'une Alfa Roméo et écoutant des programmes musicaux à distance;
il appellerait ça un... autoradio !
15
avril 1912: Guglielmo épouse Carla Bronzi – un mannequin turinois
issu d'une famille de musiciens – sous les yeux ravis de son vieux
tandis qu'un paquebot dénommé Titanic embrasse un iceberg dans le
silence le plus total.
Morse
avait pourtant imaginé le SOS … --- … mais pas le fil invisible
qui relierait les hommes pour leur sécurité et leur confort.
Dix
ans plus tard en 1922 nait la BBC – la Brown, Boveri et Cie –
compagnie de matériel féroviaire où Guglielmo va se rendre célèbre
en imaginant l'affichage de sécurité “è pericoloso sporgersi”
qui évitera tant de défenestrations.
1924:
Emile Pathé – l'inventeur du gramophone qui avait tiré un sourire
amer au jeune Guglielmo un 2 juin 1896 – prend sa retraite et cède
ses intérêts à... personne.
13
ans plus tard, le 20 juillet le petit Guglielmo devenu vieux comme
son vieux s'éteint à Rome, emportant avec lui son obsession de tous
les instants: créer un monde sans “filo alla gamba”.
Un
monde sans fil à la patte! Quelle utopie!
On
est au XXIème siècle et je souris en écoutant les enfants jouer
dehors avec le dernier jeu à la mode: une ficelle et deux couvercles
de boîte à cirage.
Leurs
rires clairs m'amusent et me rassurent. Stop. Je me sens bien. Stop.
Je travaille dans une fabrique de fils de cuivre. Stop. Je suis payé
au kilomètre. Stop. Je tréfile plus pour gagner plus. Stop...
Je
ris. Pardonnez-moi ce style télégraphique qui m'a donné la
mauvaise habitude de dire Stop à tout instant. Stop.
Bravo, j'aime beaucoup le ton et l'humour de ton blog.
RépondreSupprimerC'est vrai, on on écrit souvent sous la torture, mais quel plaisir quand on y arrive !
Je repasserai par là.
Merci d'être passé... Reviens quand tu veux :)
RépondreSupprimerAaah, hé hé ! Je donne la primeur de mon commentaire sur cette nouvelle lubie sarcasthoise à ton espace, vieux filou.
RépondreSupprimerJ'étais certain que la consigne entraînerait un déferlement de tes talents; pas déçu !! Encore une bonne tranche de rigolade en Absurdie.
Bravo, mon pélo.
Content de te voir rigoler en ce lieu, cher Tiniak !
SupprimerA la revoyure