Sur le thème Autoportrait des Impromptus Littéraires
Tu n'as jamais vraiment su si tu sortais d'un
chou ou du panier d'une cigogne, mais rose et joufflu Tu devins vite le centre de ton petit monde.
Capitaine
de pédalo bien avant d'autres, tes
seuls faits d'armes au bord du lac des Settons - on dit Cheutons en
bon bourguignon - furent les saumons de fontaine qui daignaient
s'accrocher à ta gaule et surtout ramener saine et sauve au
rivage la Fernande sans qu'elle gauge sa jolie robe du dimanche.
Ton
héros s'appelait Archibald Haddock,
capitaine de la marine marchande belge (parfaitement, 70 kilomètres
de côtes suffisent à posséder une marine!) et tu ignorais que ton
Haddock baladait la Castafiore en DS19 quand tel autre
prédestiné aux plus hautes distinctions tétait encore sa mère rue
des Carmes à Rouen.
Dans
les années 50 Tu tétais déjà du Gevrey -
puisque né sur une Côte liquide - et en douce, un fond de Meursault
les jours de la saint Vincent. C'était disait-on l'année des François.
Avant les évènements
qui
durèrent quand même 8 ans, Tu ne connaissais de l'Algérie que le
Sidi Brahim d'un propriétaire algérois venu faire le courtier à Mâcon.
A
Ton âge on s'imagine que le pouvoir
appartient aux audacieux capables de traverser la grande bleue pour
faire des affaires sur Tes terres et dans Tes vignes! Tu comprenais déjà
que Ton pédalo ne ferait pas le
poids.
Aux déclarations d'un François M. à la TSF,
Tu préférais le Quitte ou Double et les feuilletons beaucoup plus rigolos de Zappy Max, comme le savoureux “ça va bouillir” sponsorisé par la toute puissante lessive Sunil (où va donc se
nicher le pouvoir).
A l'école Tu appris non sans peine et
quelques cheveux tirés - les plus courts à la tempe, ceux qui tirent aussi des larmes - la technique du “bras croisés”qui a bien évolué de nos jours, remplacée par celle du doigt
d'honneur qui permet en même temps de touiter sur son smartphone tout en se roulant un joint.
Mais c'est dans les années 60 que Ton destin
s'est scellé: entre pouvoir et rigolade, Tu as choisi de rigoler.
Tes
amoureuses se prénommaient Martine,
Nathalie ou Brigitte et pas Ségolène. Tu fréquentas pourtant Léna -
venue d'un lointain pays de l'Est - mais ce qu'elle T'apprit n'avait
rien à voir avec la grande école du pouvoir où
les cuvées d'exception se suivent, s'assemblent et se ressemblent.
Untel
connut le sabre et le casoar de
Saint-Cyr Coëtquidan, Toi les rangers et le casque lourd de Rastatt
en Allemagne... déjà le pouvoir se distinguait par le simple
déguisement.
Si sa devise fut “Ils s'instruisent pour
vaincre” la Tienne fut “La quille, Bordel”.
Le pouvoir écoutait Léo Ferré et Toi Black
Sabbath, il arrosait ses vacances au Chignin rouge et Toi au Passetoutgrain. Comment aurais-Tu pu rivaliser?
Si
aujourd'hui on T'offrait inopinément le
siège du pédalo et les galons du capitaine, Tu sais bien que Tu
refuserais; Ton lac des Settons est devenu une mer agitée aux courants
sournois où quelques rares carnassiers, sandres ou brochets
y bouffent ce qui reste des petits.
Tout a changé. Tu imagines que la Fernande
doit faire cent vingt kilos, qu'elle regarde les Feux de l'amour... et de toute façon Tu ne pédales plus comme avant.
Il
Te reste de cette période comme une
amertume en bouche, un goût austère, astringent, l'étrange sensation
d'avoir frôlé le pouvoir à l'âge où tout parait possible quand le
soleil allume le grès couleur miel d'un château parmi les
treilles prometteuses d'un grand cru...
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