Publié au Défi du Samedi sur le thème du Macaroni
« Allo...
le service après-vente Macaroni ? »
« Oui,
Ettore Maccheroni en personne... arrière-arrière-arrière-petit-fils
de l'inventeur et fier de lui parce que je le vaux bien et parce
que... »
« Hum...
laissez tomber, c'est pour une réclamation »
« Oui
je sais, enfin je me doute parce que nous en recevons pas mal depuis
quelques mois... mais dites toujours »
« …
toujours »
« Non,
je disais Dites toujours ce qui vous amène à réclamer »
« Il
s'agit des pâtes »
« Ah ? »
« Vous
semblez surpris ? »
« Non
mais on nous appelle parfois à propos de l'emballage alors qu'on a
mis le paquet là-dessus »
« Non,
il s'agit des bouts »
« Des
bouts ? »
« Oui,
des bouts de pâtes. Il faut vous dire que ma femme et moi nous avons
du mal à joindre les deux en fin de mois alors on mange
exclusivement des pâtes»
« J'en
suis ravi, je dirais même ravi au lit... oh oh... ah ah... euh...
pardon, revenons à vos bouts de pâtes »
« Oui,
notre rituel à Germaine et moi c'est de manger nos pâtes à la
manière de la belle et du clochard »
« Laissez
moi deviner... la belle c'est Germaine ? »
« Oui
mais là n'est pas le problème, et ne cherchez pas à être
désagréable. D'habitude nous aspirons chacun une pâte dans notre
unique assiette en souhaitant ardemment que nos deux bouts
appartiennent à la même pâte »
« Vous
aimez les jeux de hasard ? »
« Non,
nous sommes juste romantiques »
« Ah !
Le romantisme de nos pâtes... ça pourrait faire l'objet de notre
prochaine campagne publicitaire »
« Hum...
à propos de publicité, je ne souhaite pas vous en faire une
mauvaise mais dans le paquet que nous venons d'acheter il n'y avait
que deux bouts ! »
« Que
deux bouts ? Et entre les deux bouts il y avait bien de la
pâte ? »
« Oui,
évidemment »
« Vous
me rassurez parce que deux bouts de rien, c'eut été catastrophique
pour notre image de marque»
« Bref,
tout ça pour vous dire que le jeu était faussé puisqu'on a
fatalement partagé la même pâte »
« Je
comprends... plus de suspense, plus de romantisme. Germaine était
déçue...»
« Plus
de suspense, passe encore mais une pâte de quatorze mètres de long
à engloutir sans respirer... vous devriez essayer pour voir. Bref,
j'ai dû emmener Germaine aux urgences pour une syncope ! »
« Hum...
et avant de la cuisiner vous n'avez pas songé à la couper en
morceaux ? »
« Cuisiner
et découper Germaine ? Vous avez des idées radicales chez
Macaroni »
« Je
parlais de la pâte »
« Non,
la courte paille c'est moins romantique... et puis c'est votre
travail de les couper, c'est bien ce que je vous reproche »
« Je
vois, ça doit venir d'Ornella »
« Ornella ? »
« Ornella
c'est notre stagiaire au poste de coupeuse de pâtes ; elle
remplace notre championne absente pour cause de maternité. Vous la
verriez découper ! Ca fait peur !»
« Et
votre championne qui fait peur, elle accouche quand ? »
« Hum...
tout ce qui touche à notre secret de fabrication doit rester
confidentiel »
« Ah
oui ? Et tout ce qui touche à la santé de Germaine ? Vous
vous en foutez ? »
« Hum...
je pourrais essayer d'en parler à Ornella »
«Comment
ça... essayer de lui parler ? »
« Hum...
C'est une sicilienne et vous savez, ici on prend des pincettes avec
les siciliennes »
« Ah ?
Si en plus vous utilisez des pincettes, je comprends que le produit
en pâtisse ! »
« En
pâtisse... oh oh... ah ah... euh... pardon, revenons au sujet. Vous
me soufflez là une belle idée de pâte unique de quatorze mètres
de long ! Ca pourrait faire un tabac»
« Faites-en
du tabac si vous voulez mais j'attends de vous un geste commercial
pour le préjudice causé à Germaine »
« Comment
va t-elle ? »
« Désolé...
top secret ... on ne demande jamais à Germaine comment elle va...
Germaine elle va, c'est tout »
« Je
vois, c'est comme ma Filomena qui... »
« Désolé,
ne dites pas C'est comme... car personne n'est comme Germaine »
« Je
vois »
« Non,
vous ne voyez pas... alors, ce geste commercial ? »
« Justement,
bien que ce soit une bonne pâte il faut que j'en parle à Filomena »
« Elle
n'est pas sicilienne au moins ? »
«Désolé...
tout ce qui touche à nos secrets de famille doit rester
confidentiel »
« Je
comprends, donc pour le geste... »
« Je
vous ferais bien un bras d'honneur mais je tiens le téléphone »
« Je
comprends, c'est la même chose pour moi »
« Alors,
au revoir »
« Au
revoir »