Publié au Défi du Samedi sur le thème du Protagoniste
« Montaigu,
tu feras Roméo » m'avait annoncé la maîtresse de cette
classe de CM2 où je végétais depuis trop longtemps.
Comme
je boudais du boudin au dernier rang près du poêle à bois, elle
enfonça le clou en m'avouant qu'elle m'avait élu protagoniste de
cette scénette de fin d'année à cause de mon patronyme et non pas
pour mes aptitudes théâtrales.
A
cet instant j'aurais préféré que mon géniteur s'appelle Duchmol
mais tel était mon destin.
Bébert
– un fayot du premier rang – m'avait soufflé que protagoniste
était un mot d'origine grecque et moi, les grecs je m'en méfiais
comme de la varicelle et de la règle de trois.
Personne
ne m'obligera à raconter par le menu cet humiliant épisode de ma
courte vie scolaire, ni le laborieux apprentissage de mon texte, ni
l'essayage des costumes, ni le cafouillage des répétitions, ni la
chute … je préfère l'évoquer poétiquement, si tant est qu'un
incident technique puisse être poétique.
Avant
de vous offrir mes vers je voudrais dire à la chaude Fatou que si
par hasard elle lit un jour ce poème, qu'elle sache que je ne l'ai
jamais oubliée.
Moi
Léon Montaigu, moulé de bleu, obscène
et
Fatou Capulet de pourpre fagotée
avions
été poussés à jouer cette scène
devant
tous les parents à la fête d'été.
Elle
portait si bien ces ailes de l'amour
qu'on
avait découpées dans du polystyrène,
je
n'étais qu'un puceau, imberbe troubadour
j'étais
le taurillon que l'on mène aux arènes.
Je
bredouillai mes mots tout à la queuleuleu
que
personne n'ouïssait, la main en chasse-mouches.
« Oh!
gentil Roméo, si tu m'aimes, dis-le »
explosa
t elle enfin en me prenant la bouche.
Au
décor du jardin je crois avoir buté
je
me suis accroché aux ailes entoilées,
contre
moi je sentais deux nichons effrontés
qui
frémissaient autant que mon coeur ébranlé.
« L'amour
c'est la fumée qu'exhalent les soupirs »
avait
affabulé le singulier Shakespeare,
celle
qui m'asphyxiait montait d'un projecteur
j'ai
failli déclamer: »Avançez l'extincteur ! »
Dans
mon collant roussi, je gagnai la coulisse
Juliette
riait, saluant, shakespearienne.
Ce
jour jusqu'à la lie, j'avais bu le calice
mais
je n'oublierai pas ses lèvres sur les miennes.
De Nantes à...
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