Du plus loin qu'il m'en souvienne j'ai
toujours aimé - avec l'heure de la cantine - cet instant où l'instituteur nous disait “Ouvrez vos livres...” car c'était pour moi ce même moment magique que celui où le rideau du théâtre
s'entr'ouvre au troisième coup de brigadier. Alors commençait le rêve, une irrésistible quête de nourriture spirituelle...
Ainsi
j'ai dévoré Le Petit Prince, j'ai tout
LU de cet enfant qui aimait les fleurs, les moutons et surtout les
biscuits avec beaucoup de pépites de chocolat pur beurre de cacao.
J'ai
longtemps cru que Saint Exupéry était
le proviseur du lycée de Marseille avant d'apprendre que son livre
était le plus vendu dans le monde après la Bible qui elle aussi nourrit
son homme!
Puis sur les pas d'Anna Karenine, j'ai
appris qu'à Saint-Petersbourg beaucoup de gens avaient des noms en ski à cause du climat.
Un roman aux senteurs de vodka accompagnant
des blinis chargés de bélouga noir... c'est pas du caviar, ça?
J'ai aussi découvert que l'Assommoir était
le 7ème volume des Rougon-Macquart ou quelque chose dans ces eaux-là.
Ah que j'aurais aimé être là quand
l’oie
fut sur la table, énorme, dorée, ruisselante de jus... On se la
montrait avec des clignements d’yeux et des hochements de menton. Sacré
mâtin ! quelle dame ! quelles cuisses et quel
ventre ! Je sais, c'est de la gourmandise mais j'en ai repris des chapitres!
Dans La gloire de mon père, j'ai appris que
la bartavelle se cuisinait comme le lièvre à la royale sauf qu'on prend une perdrix.
Permettez-moi un conseil du grand gastronome
et critique culinaire Curnonsky - qui avec un tel nom vécut peut-être à Saint-Petersbourg - qui disait ceci : Evitez la cuisse gauche de la perdrix, car c'est sur celle-ci qu'elle se tient
perchée, ce qui gâte sa circulation sanguine et rend la chair dure.
Pour ceux qui auraient l'intention de
cuisiner un dahu droitier, évitez de manger les pattes droites pour la même raison!
Pourquoi diable toutes ces lectures me
ramenaient-elles toujours au plaisir du ventre et de la table? Je n'en sais rien mais c'est ainsi.
D'ailleurs
je me souviens m'être délecté du
Cidre de Corneille autant que j'ai détesté la nausée de Sartre...
comme quoi on n'est jamais trop prudent en choisissant ses oeuvres et
ses hors-d'oeuvre.
Quiconque a lu le Cidre ne peut pas oublier
ça:
La saveur n'attend point le nombre des
navets
ou encore:
Rodrigue, qui l'eût cru? Chimène, qui
l'eût cuit?
et le sublime – même si la portion est
congrue:
Nous nous vîmes trois mille à manger sur
un porc!
Rien qu'à évoquer ces tirades célèbres je
sens comme une lourdeur d'estomac.
Heureusement j'ai un truc infaillible.
Allez, je vous le donne:
un grand verre d'eau pour dissoudre trois
lignes d'Alka- Sulitzer... Radical !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire