Cette
semaine aux Impromptus Littéraires, c'est douceur et volupté... une
invitation à se délecter sans modération de l'expression: C'est du
gâteau
De
l'Opéra à Saint-Honoré, il n'y a qu'un pas - le pas de la rue de
la Paix - que Charlotte pourrait franchir en un éclair si elle ne
décidait chaque matin de faire le détour par la rue Cambon.
C'est
plus fort qu'elle, la vitrine de notre concurrent Pierre Hermé
l'attire tel un aimant où le magnétisme de l'infiniment vanille n'a
d'égal que l'attraction craquante du caramel salé.
Donc
ce matin - comme chaque matin - Charlotte aura fait son lèche-vitrine
et sera en retard d'autant plus qu'une vieille ganache à qui elle
aurait volontiers mis deux tartes l'aura bousculée en lui écrasant
les nougats!
C'est
qu'elle a le nougat sensible, Charlotte; le pinceau mignon mais
anorexique, le ripaton délicat des Cendrillon modernes qui se
sacrifient sur l'autel haut perché des Louboutin!
Comme
chaque matin elle va me rouler dans la farine, m'expliquer qu'elle
mettra les bouchées doubles pour rattraper son retard et finalement
m'avouer - tout en piquant faussement son far et sur le ton de la
confidence - que je suis la crème des hommes!
J'avoue
que Charlotte me fascine beaucoup, passionnément mais pour la
bagatelle j'ai toujours fait chou blanc, pénalisé au premier chef
par cette brioche que j'ai prise avec la quarantaine et qui est un
peu la marque de fabrique de la profession.
Comme
d'habitude je la laisserai pérorer, épiloguer, conscient que tout
ça n'est que du flan et que si j'ose la gourmander, c'est Suzette -
venant tous les jours de Pithiviers - qui va encore ramener sa
fraise.
Il
est donc superflu que je leur rappelle qu'il y a Quatre quarts dans
une heure et pas seulement trois.
Je
l'entends d'ici me répliquer que ça ne coûte pas bonbon d'avoir
quinze minutes de retard... que tout ça ne m'empêchera pas de faire
mon beurre... de vivre comme un coq en pâte et tant d'autres
mignardises qui sont un peu la marque de fabrique de la prof... ça
je l'ai déjà dit.
Je
me serais bien passé de ce chipotage alors que nous recevons ce
matin une grosse cliente - soeur Madeleine, religieuse à
Saint-Roch - pour une importante commande d'hosties-calissons à la
passion.
Notre
soeur Blanche - qu'on surnomme 'tête de nègre' en nous fendant la
poire - a décoré sa voiture d'un macaron de Lourdes apposé sur son
pare-brise feuilleté du plus bel effet.
Elle
prétend que ça la protège bien plus qu'une dizaine d'Ave Maria des
incivilités des aubergines qui écument le quartier!
Comme
soeur Madeleine passe la porte du magasin, Charlotte arrive sur ses
talons si vite qu'elle se gaufre sur un mendiant qui fâcheusement
quêtait des miettes sur le passage.
“Une
charlotte gaufrée sur un mendiant, c'est du gâteau!” s'écrie
Suzette qui n'en manque pas une.
Je
suis déconfit. Sans faire de chichi j'expédie Suzette illico dans
l'arrière-boutique pour surveiller le démarrage des Paris-Brest.
Charlotte
est à deux doigts de tomber dans les pommes, deux doigts que je
serrerais volontiers dans les miens mais Tête de nègre - garée en
double file - s'impatiente vu qu'elle doit filer pour la messe de 10
heures à Notre Dame de Chantilly.
Mais
le client est roi et donc la nonne - péteuse ou pas - est reine...
alors je satisfais notre fidèle cliente tout en regardant se relever
puis s'éloigner en claudiquant ma friandise...
Quelle jolie pièce-montée, je savoure la finesse et l'humour de ce texte très habile que j'accompagne d'un thé au jasmin.
RépondreSupprimerMerci almanito
SupprimerOn ne peut pas s'abonner à la news' letter chez vous?
RépondreSupprimerEn bas de page dans la rubrique: "Votre email pour être informé" ... ça doit fonctionner !
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