Suite de "C'est pas plus mal" pour les Impromptus Littéraires
Germaine
est revenue et c'est pas plus mal...
J'étais
en train d'éternuer tout en relisant Nietzsche (prononcer Nitch)
quand la porte s'est ouverte brusquement.
Elle
était là, avec son petit sourire amer comme d'hab, comme si elle
rentrait simplement du boulot ou de chez sa mère.
Amère
est la femme la plus douce... ainsi parlait Zarathoustra.
Je
ne connaissais pas ce Zarathoustra mais il était loin d'être
idiot... Germaine était amère, l'amertume personnifiée.
“Excuse-moi”
a t-elle dit simplement en claquant la porte comme à son habitude.
Son
habitude c'est de claquer la porte, pas de s'excuser.
“Ce
n'est pas ta faute” dis-je “ce philosophe me fait toujours
éternuer”.
“Non,
je m'excuse juste d'arriver sans prévenir” corrigea t-elle.
Je
lui fis remarquer que pour me prévenir - à moins d'un pigeon
voyageur et d'une fenêtre ouverte - il eut fallu que la box internet
dont dépend le téléphone ait été remise en état.
Je
me gardai bien d'ajouter que l'intervention de Devon - notre cher
voisin bidouilleur sachant tout faire de ses dix doigts et plus si
affinités - n'avait eu aucun effet, du moins sur la box.
Elle
n'ajouta rien non plus et j'en conclus que le conflit était enterré
jusqu'à ce qu'elle attrape sa chatte angora en disant: “Je suis
juste revenue chercher Kitty”.
Dans
angora il y a rat et c'est bien ce à quoi ressemblait Kitty après
la séance de rasage que je lui avais infligée. Je n'en éprouvais
ni honte ni regret alors qu'elle caressait cette chose immonde qui
osait ronronner comme s'il ne s'était rien passé, comme si elle
n'avait pas brûlé ma chemise à jabot, pas fait fondre mes leurres
en plume de coq limousin, pas crevé les pneus de la camionnette, pas
bu mes bières!!
Alors
j'ai dit “Ah... tu repars?” d'un air que je voulais détaché et
j'ai ajouté “tu ne prends même pas le temps de boire une de mes
Fischer Tradition dont tu avais l'air de raffoler?”
“Si
tu veux” a t-elle marmonné “ouvre-moi en une pendant que je vais
chercher la litière de Kitty”
Si
vous avez déjà essayé de mettre de la mort-aux-rats dans une
bouteille de bière sans que ça mousse, vous comprendrez mon état
de fébrilité alors que j'entendais Germaine fourrager dans la
caisse du chat.
Il
n'y a pas pire sacrilège que “couper” une Fischer Tradition,
mais c'était pour notre bien à tous les deux.
Quand
je l'ai entendue hurler j'ai compris qu'elle venait de trouver ma
cachette dans la litière avec le décapsuleur, la zapette de la télé
et le petit crucifix en buis. Elle pouvait bien emporter ce dernier
si ça lui chantait, le témoin muet de nos ébats “à la
missionnaire”, suspendu au dessus du lit (le crucifix, pas moi) et
à qui elle adressait de vibrants 'Oh My God' comme si je n'existais
pas en elle.
J'avais
fini ma monstrueuse besogne et ramené deux bières quand elle a
surgi, furibonde et brandissant Kitty d'une main et le crucifix de
l'autre comme pour m'exorciser!
Jamais
je n'avais aimé ce chat et encore moins depuis qu'il ressemblait à
un rat.
Il
dut le sentir et échappa à Germaine pour me sauter au visage.
Je
tentai d'esquiver la chose immonde d'un revers de la main sous les
cris de Germaine, des glapissements sauvages, barbares que je ne lui
connaissais pas!
Son
rat m'avait griffé profondément, une vilaine plaie qui commençait
à bien saigner et comme je m'auscultais dans la glace de l'entrée,
Germaine me tendit une bière...
“Prends
toujours ça” a t-elle grincé.
Si
vous avez déjà subi un lavage gastrique par sonde vous comprendrez
dans quel état j'étais en lorgnant sur l'entonnoir rempli d'eau
tiède et enfoncé dans ma gorge tandis qu'un pachyderme en tablier
blanc m'appuyait sur l'estomac en soufflant comme un phoque.
Germaine
n'est pas venue assister à l'immonde gavage et c'est pas plus mal...
je crois qu'elle ne reviendra pas.
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