lundi 22 juin 2015

Vengeance... le retour

Suite de "C'est pas plus mal" pour les Impromptus Littéraires


Germaine est revenue et c'est pas plus mal...
J'étais en train d'éternuer tout en relisant Nietzsche (prononcer Nitch) quand la porte s'est ouverte brusquement.
Elle était là, avec son petit sourire amer comme d'hab, comme si elle rentrait simplement du boulot ou de chez sa mère.
Amère est la femme la plus douce... ainsi parlait Zarathoustra.
Je ne connaissais pas ce Zarathoustra mais il était loin d'être idiot... Germaine était amère, l'amertume personnifiée.
“Excuse-moi” a t-elle dit simplement en claquant la porte comme à son habitude.
Son habitude c'est de claquer la porte, pas de s'excuser.
“Ce n'est pas ta faute” dis-je “ce philosophe me fait toujours éternuer”.
“Non, je m'excuse juste d'arriver sans prévenir” corrigea t-elle.
Je lui fis remarquer que pour me prévenir - à moins d'un pigeon voyageur et d'une fenêtre ouverte - il eut fallu que la box internet dont dépend le téléphone ait été remise en état.
Je me gardai bien d'ajouter que l'intervention de Devon - notre cher voisin bidouilleur sachant tout faire de ses dix doigts et plus si affinités - n'avait eu aucun effet, du moins sur la box.
Elle n'ajouta rien non plus et j'en conclus que le conflit était enterré jusqu'à ce qu'elle attrape sa chatte angora en disant: “Je suis juste revenue chercher Kitty”.
Dans angora il y a rat et c'est bien ce à quoi ressemblait Kitty après la séance de rasage que je lui avais infligée. Je n'en éprouvais ni honte ni regret alors qu'elle caressait cette chose immonde qui osait ronronner comme s'il ne s'était rien passé, comme si elle n'avait pas brûlé ma chemise à jabot, pas fait fondre mes leurres en plume de coq limousin, pas crevé les pneus de la camionnette, pas bu mes bières!!
Alors j'ai dit “Ah... tu repars?” d'un air que je voulais détaché et j'ai ajouté “tu ne prends même pas le temps de boire une de mes Fischer Tradition dont tu avais l'air de raffoler?”
“Si tu veux” a t-elle marmonné “ouvre-moi en une pendant que je vais chercher la litière de Kitty”

Si vous avez déjà essayé de mettre de la mort-aux-rats dans une bouteille de bière sans que ça mousse, vous comprendrez mon état de fébrilité alors que j'entendais Germaine fourrager dans la caisse du chat.
Il n'y a pas pire sacrilège que “couper” une Fischer Tradition, mais c'était pour notre bien à tous les deux.
Quand je l'ai entendue hurler j'ai compris qu'elle venait de trouver ma cachette dans la litière avec le décapsuleur, la zapette de la télé et le petit crucifix en buis. Elle pouvait bien emporter ce dernier si ça lui chantait, le témoin muet de nos ébats “à la missionnaire”, suspendu au dessus du lit (le crucifix, pas moi) et à qui elle adressait de vibrants 'Oh My God' comme si je n'existais pas en elle.
J'avais fini ma monstrueuse besogne et ramené deux bières quand elle a surgi, furibonde et brandissant Kitty d'une main et le crucifix de l'autre comme pour m'exorciser!
Jamais je n'avais aimé ce chat et encore moins depuis qu'il ressemblait à un rat.
Il dut le sentir et échappa à Germaine pour me sauter au visage.
Je tentai d'esquiver la chose immonde d'un revers de la main sous les cris de Germaine, des glapissements sauvages, barbares que je ne lui connaissais pas!
Son rat m'avait griffé profondément, une vilaine plaie qui commençait à bien saigner et comme je m'auscultais dans la glace de l'entrée, Germaine me tendit une bière...
“Prends toujours ça” a t-elle grincé.


Si vous avez déjà subi un lavage gastrique par sonde vous comprendrez dans quel état j'étais en lorgnant sur l'entonnoir rempli d'eau tiède et enfoncé dans ma gorge tandis qu'un pachyderme en tablier blanc m'appuyait sur l'estomac en soufflant comme un phoque.
Germaine n'est pas venue assister à l'immonde gavage et c'est pas plus mal... je crois qu'elle ne reviendra pas.



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