Publié sur le site MilEtUne d'après l'illustration de Michal Karcz
Michal nous
avait envoyés une fois de plus pour une de ses expéditions
abracadabrantesques censées nous faire découvrir un monde
parallèle, bien au-delà des plus hauts sommets terrestres.
Nous avions
mis le cap sur l'Himalaya et c'est en tutoyant l'Everest de notre
ballon gonflable que la chose se produisit... une intense lumière
sortie des nues inonda tout le panorama jusqu'au plus profond des
vallées enneigées.
Je m'y
revois comme si c'était aujourd'hui... du fin fond de la Terre
monte une voix caverneuse.
Est-ce
l'écho ou bien l'altitude qui m'a rendu sourd?
Je demande
à Karl - le chef d'expédition - d'où vient cette voix et s'il y
comprend quelque chose.
“On
dirait un porteur, un sherpa” dit-il en me montrant un minuscule
point sur l'immensité blanche.
“Et que
dit-il?”
Karl qui
parle couramment les dialectes tibétains me répond au bout d'un
moment :”Chetup”
“Shut up?
Il veut qu'on la ferme, à cause des avalanches?”
“Non...
chetup... ça veut dire Couper... couper les gaz”
Alors Karl
coupe les brûleurs et petit à petit le sherpa grandit, ce qui
parait normal même au Tibet.
Jamais vu
un sherpa faire de l'autostop ou du ballonstop!
“... …
… ….. .. ….. ..”
“Qu'est-ce
qu'il dit?”
“Il dit:
Hé ! bonjour, Messieurs de la montgolfière.
Que vous êtes jolis ! que vous me semblez fiers!”
Que vous êtes jolis ! que vous me semblez fiers!”
“Des
vers? Il a une drôle de façon de parler pour un tibétain”
“... …
… ….. .. ….. ..”
“Et là,
qu'est-ce qu'il dit?”
“Il dit:
Sans mentir, si votre caquetage
Se rapporte à votre emballage...”
Se rapporte à votre emballage...”
“Euh...
c'est vraiment du tibétain ça?”
“Oui, je
crois... ou alors il a les lèvres gercées”
“... …
… ….. .. ….. ..”
“Et là,
qu'est-ce qu'il a dit?”
“Il a
dit: Vous êtes les Félix des chats de ces bois."
“Et ça
veut dire quoi? Y serait pas en train de se foutre de nos gueules
avec son Félix le chat?”
“Attendons
de voir ce qu'il veut”
“... …
… ….. .. ….. ..”
“Qu'est-ce
qu'il espère? Un chèque au porteur?”
Karl ne
relève pas la vanne ou alors il n'a pas d'humour...
“Je crois
qu'il parle d'enfumage ou d'assurance-chômage... enfin un truc en
mage!”
On n'avait
pas grand chose en mage et en réserve mais il me restait du fromage,
un vieil Epoisses qui aurait réveillé un anosmique chronique et
dont le 'subtil fumet adoré des gourmands' nous avait emboucané
pendant tout le voyage.
L'occasion
était trop belle de nous en débarrasser et puis nous n'avions ni
enfumage ni assurance-chômage avec nous.
Je lâchai
du lest et du même coup l'Epoisses - roi des fromages - qui atterrit
juste sur la tête du sherpa.
Il nous
remercia longuement mais Karl refusa toujours de me traduire ce qu'il
avait baragouiné pendant dix minutes.
Le sherpa
bizarrement honteux, confus et coiffé d'une pâte molle reprit sa
route tandis que la nuée lumineuse avait laissé place à des nuages
noirs et menaçants.
“Il est
grand temps de rentrer” dit Karl en remettant les gaz “le monde
parallèle attendra”.
Ce sherpa
nous avait-il jeté un sort? En attendant je respirai à pleins
poumons, m'enivrant de l'air retrouvé des hauts sommets.
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